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Les manipulations d'un fourbe
2013 © Photographie : Jean-Louis Fernandez
La pièce, évaluée à 2 h 30, est réduite à 1 h 15 pour préserver l’énergie de l’acteur seul en scène tout comme l’écoute attentive d’un public de tous âges, en salle ou en plein air. Quelques répliques de Scapin, prélevées dans la scène 2 du premier acte, viennent ajouter un prologue, et certaines phrases de Hyacinte ont été adaptées pour être chantées dans le style récitatif de Lully ou de ses contemporains. À ces exceptions près, les mots et l’histoire de la pièce sont préservés.
Les huit marionnettes sont disproportionnées dans le rapport buste-jambe, dans les longueurs de bras ou les traits du visage. Leurs faces sont ébauchées, tels les croquis préparatoires des portraits du XVIIe siècle, tendant à la caricature pour certains (Léandre et Octave), à l’imagerie de l’époque pour d’autres (Argante, Hyacinte, Sylvestre). La sculpture – dans du polystyrène extrudé avec du papier blanc en surface – a autorisé des ressemblances marquées et comiques entre pères et enfants. Leur mécanisme n’est pas apparent. Un système de crosse à gâchette et une armature articulée dans la mousse permettent à l’unique interprète de leur donner d’une seule main les expressions de la tête et du corps. Parfois, de son autre main libre, il anime légèrement les bras et les doigts des personnages.
Sur la scène en bois évoquant un quai du port de Naples, trois pontons donnent accès par le lointain à la cour et au jardin du plateau principal de cinq mètres sur quatre. Des balanciers sur pivot munis de contrepoids (les leviers de déchargement du quai) vont permettre à l’acteur de manutentionner les grossiers sacs de jute d’où il fait naître les marionnettes et où il les remise momentanément dans le hors-jeu, mais aussi de supporter celles-ci lorsqu’il les met en action, notamment dans les scènes à plus de deux personnages. Chaque marionnette pèse entre six et neuf kilos... Ce système de suspension confère aux partenaires de Scapin à la fois le caractère irréel de personnages flottants et la légère vibration qui aide les spectateurs à leur prêter des émotions.
Le traitement des costumes relie de façon originale le siècle de Molière et l’époque contemporaine. Contrairement à l’habitude de présenter les protagonistes du théâtre classique dans des étoffes riches et colorées, le tissu « denim », le blue-jean, a été choisi pour rappeler le droguet, drap de modeste qualité, du monde du travail d’autrefois. La pièce se déroule dans un milieu de petits bourgeois avares et de valets. L’usure et la décoloration parent de symboles les redingotes réalisées dans les règles de l’art, à l’imitation de celles de XVIIe siècle, par la formation costume du lycée Diderot de Lyon, avec l’aide de trois jeunes costumières diplômées. Ce Scapin, maître des marionnettes, roi du théâtre et de la manipulation, est un fourbe, comme le soulignent les lettres écrites sur le dos de la chemise de l’acteur. Et chaque détail de la mise en scène d’Émilie Valantin, chaque option dans l’interprétation de Jean Sclavis pose la même question métaphysique : comment réfléchir le monde sans fourberie ? (1)
En janvier 2014, la journaliste Armelle Héliot a remis le prix Plaisir du Théâtre - Marcel-Nahmias à Émilie Valantin pour l’ensemble de son œuvre.
1. Ce passage sur Les Fourberies de Scapin est tiré de la notice écrite à propos du spectacle par Evelyne Lecucq sur le PAM.
Les manipulations d'un fourbe
2013 © Photographie : Jean-Louis Fernandez
La pièce, évaluée à 2 h 30, est réduite à 1 h 15 pour préserver l’énergie de l’acteur seul en scène tout comme l’écoute attentive d’un public de tous âges, en salle ou en plein air. Quelques répliques de Scapin, prélevées dans la scène 2 du premier acte, viennent ajouter un prologue, et certaines phrases de Hyacinte ont été adaptées pour être chantées dans le style récitatif de Lully ou de ses contemporains. À ces exceptions près, les mots et l’histoire de la pièce sont préservés.
Les huit marionnettes sont disproportionnées dans le rapport buste-jambe, dans les longueurs de bras ou les traits du visage. Leurs faces sont ébauchées, tels les croquis préparatoires des portraits du XVIIe siècle, tendant à la caricature pour certains (Léandre et Octave), à l’imagerie de l’époque pour d’autres (Argante, Hyacinte, Sylvestre). La sculpture – dans du polystyrène extrudé avec du papier blanc en surface – a autorisé des ressemblances marquées et comiques entre pères et enfants. Leur mécanisme n’est pas apparent. Un système de crosse à gâchette et une armature articulée dans la mousse permettent à l’unique interprète de leur donner d’une seule main les expressions de la tête et du corps. Parfois, de son autre main libre, il anime légèrement les bras et les doigts des personnages.
Sur la scène en bois évoquant un quai du port de Naples, trois pontons donnent accès par le lointain à la cour et au jardin du plateau principal de cinq mètres sur quatre. Des balanciers sur pivot munis de contrepoids (les leviers de déchargement du quai) vont permettre à l’acteur de manutentionner les grossiers sacs de jute d’où il fait naître les marionnettes et où il les remise momentanément dans le hors-jeu, mais aussi de supporter celles-ci lorsqu’il les met en action, notamment dans les scènes à plus de deux personnages. Chaque marionnette pèse entre six et neuf kilos... Ce système de suspension confère aux partenaires de Scapin à la fois le caractère irréel de personnages flottants et la légère vibration qui aide les spectateurs à leur prêter des émotions.
Le traitement des costumes relie de façon originale le siècle de Molière et l’époque contemporaine. Contrairement à l’habitude de présenter les protagonistes du théâtre classique dans des étoffes riches et colorées, le tissu « denim », le blue-jean, a été choisi pour rappeler le droguet, drap de modeste qualité, du monde du travail d’autrefois. La pièce se déroule dans un milieu de petits bourgeois avares et de valets. L’usure et la décoloration parent de symboles les redingotes réalisées dans les règles de l’art, à l’imitation de celles de XVIIe siècle, par la formation costume du lycée Diderot de Lyon, avec l’aide de trois jeunes costumières diplômées. Ce Scapin, maître des marionnettes, roi du théâtre et de la manipulation, est un fourbe, comme le soulignent les lettres écrites sur le dos de la chemise de l’acteur. Et chaque détail de la mise en scène d’Émilie Valantin, chaque option dans l’interprétation de Jean Sclavis pose la même question métaphysique : comment réfléchir le monde sans fourberie ? (1)
En janvier 2014, la journaliste Armelle Héliot a remis le prix Plaisir du Théâtre - Marcel-Nahmias à Émilie Valantin pour l’ensemble de son œuvre.
1. Ce passage sur Les Fourberies de Scapin est tiré de la notice écrite à propos du spectacle par Evelyne Lecucq sur le PAM.