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Le temps des représentations
Photo Alain Lonchampt.
Centre des Monuments Nationaux.
Le déroulement d'une représentation
Le théâtre de marionnettes de Maurice Sand est un théâtre de « salon ». Ce n'est pas un théâtre populaire comme le théâtre de Guignol au XIXe siècle. Il faut rappeler que Maurice était un être d'élite, un homme de culture et un artiste confirmé. Il s'était fait remarquer comme peintre, dessinateur et illustrateur, entre autre, des romans de sa mère. Il se fit aussi connaître comme romancier (avec notamment Callirhoé), comme géologue et comme un grand naturaliste.
Il s'assimile à ses marionnettes à tel point qu'il leur prête des actions humaines : par exemple, il les fait écrire. Quand il envoie des invitations aux noms de ses marionnettes, il les fait écrire à sa place. Maurice ira jusqu'à opérer un dédoublement de sa personnalité grâce à la « complicité » de Balandard (*pour mieux connaître ce personnage, voir page précédente). Cette pirouette est un divertissement et un jeu de l'esprit qui s'adresse à un public de connaisseurs qui ne feront pas la confusion.
Dans son jeu, le marionnettiste est en retrait par rapport à sa marionnette, il s'efface derrière elle. A travers elle, il fait passer toute sorte de sentiments et cela lui est possible grâce au jeu qui repose sur un canevas préétabli et une certaine improvisation.
Chez les Sand, le théâtre repose sur une certaine liberté inspirée par la Commedia dell'arte et une certaine liberté d'improvisation dans le jeu des acteurs. Au début chez George Sand, le théâtre est un théâtre de saynètes (petites scènes) plus ou moins improvisées. Dans ce théâtre de marionnettes, le texte n'existe pas en tant que tel car il est plus ou moins soumis à l'improvisation : il repose sur un canevas. Si on lit des pièces pour marionnettes de Maurice Sand, on peut trouver le texte fade.
Comment Maurice s'y prenait-il ?
Si on décidait de faire une représentation, cela se déroulait de la façon suivante :
- Dans l'après-midi, après avoir choisi le thème de la pièce, on commençait par la rédaction d'un canevas. C'est souvent une anecdote qui servait de point de départ : les chroniques de la presse locale ou nationale, une anecdote qui était arrivée à l'un des convives de George Sand, une aventure personnelle ou un événement politique ou national. Exemple : le thème de « La chambre bleue » est inventé d'après une histoire réelle qui est arrivée à La Châtre. Après le mariage, c'est la mère de la mariée qui se retrouve au lit avec son gendre. De là s'ensuit toute une série de quiproquos. Le canevas est suffisamment souple pour qu'il permette l'improvisation et le jeu des quiproquos qui viennent encore plus embrouiller l'histoire.
- Le canevas précise le « squelette » de l'action et les principales répliques que les personnages importants de la pièce doivent dire puisqu'elles constituent les clefs de l'histoire.
- L'histoire peut à tout moment rebondir à cause d'une mauvaise manipulation ; une marionnette qui ne s'emboîte pas bien sur un coulisseau, ou qui échappe à la main qui la dirige. Cela dans le but de rechercher l'effet comique. George Sand dit : « La marionnette n'obéit pas à la main qui la dirige aussi passivement que l'acteur à la réglementation de la mise en scène. Elle ne marche pas toute seule, elle ne remue pas d'elle même, elle ne se gare pas d'un obstacle ; elle peut s'accrocher à un décor, elle peut sortir de son support ou du doigt de l'opérant et s'évanouir hors de propos. Il est fort difficile sinon impossible de s'en tenir à la lettre du texte, et il faut être prêt à expliquer les accidents ».
La pièce pouvait être ainsi enrichie d'effets comiques et allongée par les improvisations des opérants et les interventions du public, comme dans le théâtre de Guignol. Cela s'accordait tout à fait avec le théâtre de burattini : George Sand écrit « la marionnette est bavarde et musarde ».
Pièces et personnages de Maurice Sand
Il y a à Nohant un véritable répertoire de marionnettes et les thèmes en sont très variés : fantaisies – drames – mélodrames – pièces patriotiques – comédies – farces – fariboles – féeries – mystères et pièces historiques, comme le répertoire du théâtre. Ce répertoire est très divers. Parfois, le théâtre de Maurice Sand peut avoir des connotations politiques mais jamais aussi poussées que dans le théâtre de Guignol qui était très censuré au XIXème siècle (voir le focus sur la marionnette au XIXe siècle à la première page de ce dossier). Tout le talent de Maurice Sand a été de glisser dans ses pièces des allusions politiques sans jamais déchaîner la censure. Peut-être que son activité mondaine et intellectuelle lui ont valu quelques protections.
A Nohant, les comédies sont très prisées car le théâtre est synonyme de divertissement. Dans ses pièces, Maurice Sand utilise beaucoup la malice, les calembours, les grivoiseries et les jeux de mots. Il renoue avec la tradition du théâtre de Guignol mais utilise aussi les bons mots et les traits d'esprit appréciés dans les salons. Il n'hésite pas à faire des plaisanteries scatologiques et fait souvent allusion aux fonctions du corps : chose amusante puisque les burattini n'ont pas de corps. Une façon pour lui de leur donner une dimension humaine est de faire référence aux plus basses fonctions du corps humain. Ces grivoiseries plaisent au public de Nohant.
Maurice Sand jouait aussi beaucoup sur les noms des personnages et sur les sonorités des mots. Il nommait certaines marionnettes : Friturin, l'aubergiste, Flagellantus, le surveillant des esclaves, Labouture, le jardinier, Dupinceau, l'artiste peintre, Lord Dure, l'aristocrate... Il y a aussi les capitaines Vachard et Chiclair qui sont montrés fumant des « infectados et des crapulos première qualita, venant des îles Manillas et Havanas ». Ces deux personnages font leur apparition dans une pièce intitulée « Nous dînons chez le colonel », dans laquelle Maurice évoque le temps où les garnisons investissaient la plupart des villes. Les capitaines logent alors pendant trois mois chez Melle Euphémie et Melle Pétenvert. Très vite, ces dames vont s’éprendre de leurs hôtes. Afin de régulariser cette situation, les capitaines se voient contraints de les épouser ! Maurice émaillait ses dialogues de certaines préciosités : « Elle voudrait que je l'épousasse ! ». Ce langage crée un climat d'insolence et d'irrespect. Quand Stanislas, l’homme à tout-faire, lui-même épris de Melle Euphémie, comprend la situation, il quitte la demeure en disant « L'Euphémie, tu peux chercher un autre garçon !... V'là le balai, v'là le torchon ».
Maurice cherchait à faire rire, il inventait donc des situations qui sont proches du théâtre de boulevard dont il emprunte quelques ficelles et mécanismes : le personnage enfermé dans un placard, les voyageurs qui se retrouvent dans le même lit. Il donnait aussi des titres comiques à certaines de ses pièces : L'Auberge du haricot vert, Le Spectre chauve, L'Ermite de la marée montante ... Le but de Maurice est avant tout de divertir et donc de provoquer le rire.
Une satire sociale
Les pièces écrites pour marionnettes sont aussi des satires sociales. Maurice raillait ce qui faisait les fondements de la société dans laquelle il vivait au XIXe siècle : la religion, le mariage et l'armée. A ses personnages, il faisait dire contre la religion : « On en veut ben pourvu qu'alle coûte rin ». Contre le mariage, il faisait dire à l'une de ses héroïnes : « Mon mari, il n'est ni jeune ni beau, j'en conviens mais il est riche ». Il s'attaquait aussi à l'armée et à la politique militariste de son époque en écrivant pour l'une de ses marionnettes : « Si les gars d'nout'commune restaient chez eux, ils seraient ben plus utiles pour travailler leur terre que d'aller crever en Chine ». Il n'hésitait pas non plus à se moquer des hommes politiques et de leurs façons de faire. Il faut rappeler qu'il les connaissait bien puisqu'il a été maire de Nohant pendant plusieurs années.
Dans cette démarche, il n'est pas sans faire penser aux personnages plus contemporains du Bêbète Show ou des Guignols de l'Info, ou encore à la plume acerbe de certains journalistes qui écrivent pour le Canard enchaîné ou le journal Marianne.
Le temps des représentations
Photo Alain Lonchampt.
Centre des Monuments Nationaux.
Le déroulement d'une représentation
Le théâtre de marionnettes de Maurice Sand est un théâtre de « salon ». Ce n'est pas un théâtre populaire comme le théâtre de Guignol au XIXe siècle. Il faut rappeler que Maurice était un être d'élite, un homme de culture et un artiste confirmé. Il s'était fait remarquer comme peintre, dessinateur et illustrateur, entre autre, des romans de sa mère. Il se fit aussi connaître comme romancier (avec notamment Callirhoé), comme géologue et comme un grand naturaliste.
Il s'assimile à ses marionnettes à tel point qu'il leur prête des actions humaines : par exemple, il les fait écrire. Quand il envoie des invitations aux noms de ses marionnettes, il les fait écrire à sa place. Maurice ira jusqu'à opérer un dédoublement de sa personnalité grâce à la « complicité » de Balandard (*pour mieux connaître ce personnage, voir page précédente). Cette pirouette est un divertissement et un jeu de l'esprit qui s'adresse à un public de connaisseurs qui ne feront pas la confusion.
Dans son jeu, le marionnettiste est en retrait par rapport à sa marionnette, il s'efface derrière elle. A travers elle, il fait passer toute sorte de sentiments et cela lui est possible grâce au jeu qui repose sur un canevas préétabli et une certaine improvisation.
Chez les Sand, le théâtre repose sur une certaine liberté inspirée par la Commedia dell'arte et une certaine liberté d'improvisation dans le jeu des acteurs. Au début chez George Sand, le théâtre est un théâtre de saynètes (petites scènes) plus ou moins improvisées. Dans ce théâtre de marionnettes, le texte n'existe pas en tant que tel car il est plus ou moins soumis à l'improvisation : il repose sur un canevas. Si on lit des pièces pour marionnettes de Maurice Sand, on peut trouver le texte fade.
Comment Maurice s'y prenait-il ?
Si on décidait de faire une représentation, cela se déroulait de la façon suivante :
- Dans l'après-midi, après avoir choisi le thème de la pièce, on commençait par la rédaction d'un canevas. C'est souvent une anecdote qui servait de point de départ : les chroniques de la presse locale ou nationale, une anecdote qui était arrivée à l'un des convives de George Sand, une aventure personnelle ou un événement politique ou national. Exemple : le thème de « La chambre bleue » est inventé d'après une histoire réelle qui est arrivée à La Châtre. Après le mariage, c'est la mère de la mariée qui se retrouve au lit avec son gendre. De là s'ensuit toute une série de quiproquos. Le canevas est suffisamment souple pour qu'il permette l'improvisation et le jeu des quiproquos qui viennent encore plus embrouiller l'histoire.
- Le canevas précise le « squelette » de l'action et les principales répliques que les personnages importants de la pièce doivent dire puisqu'elles constituent les clefs de l'histoire.
- L'histoire peut à tout moment rebondir à cause d'une mauvaise manipulation ; une marionnette qui ne s'emboîte pas bien sur un coulisseau, ou qui échappe à la main qui la dirige. Cela dans le but de rechercher l'effet comique. George Sand dit : « La marionnette n'obéit pas à la main qui la dirige aussi passivement que l'acteur à la réglementation de la mise en scène. Elle ne marche pas toute seule, elle ne remue pas d'elle même, elle ne se gare pas d'un obstacle ; elle peut s'accrocher à un décor, elle peut sortir de son support ou du doigt de l'opérant et s'évanouir hors de propos. Il est fort difficile sinon impossible de s'en tenir à la lettre du texte, et il faut être prêt à expliquer les accidents ».
La pièce pouvait être ainsi enrichie d'effets comiques et allongée par les improvisations des opérants et les interventions du public, comme dans le théâtre de Guignol. Cela s'accordait tout à fait avec le théâtre de burattini : George Sand écrit « la marionnette est bavarde et musarde ».
Pièces et personnages de Maurice Sand
Il y a à Nohant un véritable répertoire de marionnettes et les thèmes en sont très variés : fantaisies – drames – mélodrames – pièces patriotiques – comédies – farces – fariboles – féeries – mystères et pièces historiques, comme le répertoire du théâtre. Ce répertoire est très divers. Parfois, le théâtre de Maurice Sand peut avoir des connotations politiques mais jamais aussi poussées que dans le théâtre de Guignol qui était très censuré au XIXème siècle (voir le focus sur la marionnette au XIXe siècle à la première page de ce dossier). Tout le talent de Maurice Sand a été de glisser dans ses pièces des allusions politiques sans jamais déchaîner la censure. Peut-être que son activité mondaine et intellectuelle lui ont valu quelques protections.
A Nohant, les comédies sont très prisées car le théâtre est synonyme de divertissement. Dans ses pièces, Maurice Sand utilise beaucoup la malice, les calembours, les grivoiseries et les jeux de mots. Il renoue avec la tradition du théâtre de Guignol mais utilise aussi les bons mots et les traits d'esprit appréciés dans les salons. Il n'hésite pas à faire des plaisanteries scatologiques et fait souvent allusion aux fonctions du corps : chose amusante puisque les burattini n'ont pas de corps. Une façon pour lui de leur donner une dimension humaine est de faire référence aux plus basses fonctions du corps humain. Ces grivoiseries plaisent au public de Nohant.
Maurice Sand jouait aussi beaucoup sur les noms des personnages et sur les sonorités des mots. Il nommait certaines marionnettes : Friturin, l'aubergiste, Flagellantus, le surveillant des esclaves, Labouture, le jardinier, Dupinceau, l'artiste peintre, Lord Dure, l'aristocrate... Il y a aussi les capitaines Vachard et Chiclair qui sont montrés fumant des « infectados et des crapulos première qualita, venant des îles Manillas et Havanas ». Ces deux personnages font leur apparition dans une pièce intitulée « Nous dînons chez le colonel », dans laquelle Maurice évoque le temps où les garnisons investissaient la plupart des villes. Les capitaines logent alors pendant trois mois chez Melle Euphémie et Melle Pétenvert. Très vite, ces dames vont s’éprendre de leurs hôtes. Afin de régulariser cette situation, les capitaines se voient contraints de les épouser ! Maurice émaillait ses dialogues de certaines préciosités : « Elle voudrait que je l'épousasse ! ». Ce langage crée un climat d'insolence et d'irrespect. Quand Stanislas, l’homme à tout-faire, lui-même épris de Melle Euphémie, comprend la situation, il quitte la demeure en disant « L'Euphémie, tu peux chercher un autre garçon !... V'là le balai, v'là le torchon ».
Maurice cherchait à faire rire, il inventait donc des situations qui sont proches du théâtre de boulevard dont il emprunte quelques ficelles et mécanismes : le personnage enfermé dans un placard, les voyageurs qui se retrouvent dans le même lit. Il donnait aussi des titres comiques à certaines de ses pièces : L'Auberge du haricot vert, Le Spectre chauve, L'Ermite de la marée montante ... Le but de Maurice est avant tout de divertir et donc de provoquer le rire.
Une satire sociale
Les pièces écrites pour marionnettes sont aussi des satires sociales. Maurice raillait ce qui faisait les fondements de la société dans laquelle il vivait au XIXe siècle : la religion, le mariage et l'armée. A ses personnages, il faisait dire contre la religion : « On en veut ben pourvu qu'alle coûte rin ». Contre le mariage, il faisait dire à l'une de ses héroïnes : « Mon mari, il n'est ni jeune ni beau, j'en conviens mais il est riche ». Il s'attaquait aussi à l'armée et à la politique militariste de son époque en écrivant pour l'une de ses marionnettes : « Si les gars d'nout'commune restaient chez eux, ils seraient ben plus utiles pour travailler leur terre que d'aller crever en Chine ». Il n'hésitait pas non plus à se moquer des hommes politiques et de leurs façons de faire. Il faut rappeler qu'il les connaissait bien puisqu'il a été maire de Nohant pendant plusieurs années.
Dans cette démarche, il n'est pas sans faire penser aux personnages plus contemporains du Bêbète Show ou des Guignols de l'Info, ou encore à la plume acerbe de certains journalistes qui écrivent pour le Canard enchaîné ou le journal Marianne.