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- Parcours croisé franco-québécois : Des coproductions, des co-créations de part et d'autre de l'Atlantique : retours d'expériences ; Pomme, 2011 - compagnie Garin Trousseboeuf (France) et Théâtre des Petites Âmes (Québec)
- Patrick Conan, de la compagnie Garin Trousseboeuf, a bien voulu se prêter au jeu des questions d'Evelyne Lecucq, en février 2024
Patrick Conan, de la compagnie Garin Trousseboeuf, a bien voulu se prêter au jeu des questions d'Evelyne Lecucq, en février 2024
Evelyne Lecucq : Comment vous est venue l’idée d’une coproduction franco-québécoise ?
Patrick Conan : Je précise. Le plus souvent, dans le cadre d’un contrat rédigé entre une compagnie et une structure de diffusion - théâtre, festival, etc. -, une coproduction signifie apport (aide, contribution) sous forme d’argent ou de service pour la réalisation d’un projet, sa création ou sa diffusion. Ici, il s’agit de l’association de deux compagnies pour la réalisation d’un spectacle, chacune apportant ses compétences artistiques, administratives, techniques, dans l’idée d’un partage globalement équitable, avec le soutien de diffuseurs (1) et d’institutions françaises et canadiennes. Le terme cocréation me semble plus juste.
Pomme est né d’un autre projet antérieur, plus ambitieux, intitulé Fleuves, capteurs de rêves, qui a avorté. Il mettait en jeu trois compagnies issues de trois pays différents (Canada, Vietnam, France) s’appuyant sur trois festivals internationaux (Casteliers, Hanoï, Charleville) avec comme thème trois fleuves (le Saint-Laurent, le fleuve rouge, la Loire). Ce beau projet, imaginé dans l’appartement de Louise Lapointe, directrice artistique du Festival Casteliers à Montréal, a échoué faute de solidarité de plusieurs compagnies malgré le soutien des institutions françaises et canadiennes.
Dépités par cet échec, Louise Lapointe et moi avons absolument voulu rebondir en lançant le principe d’un projet binational entre Garin Trousseboeuf et une compagnie québécoise, d’autant que la subvention qui nous était dédiée était en attente d’une concrétisation. Louise m’a proposé le Théâtre des Petites Âmes de Montréal, dirigé par Isabelle Payant et Stéphane Guy.
compagnie du Théâtre des Petites Âmes, légendée "Là où
l'aventure de POMME a commencé...", publiée le 30 octobre 2010
EL : Quels étaient vos critères ?
PC : N’ayant pas l’intention d’endosser l’interprétation et me réservant la mise en scène, je souhaitais une compagnie capable d’assumer un texte, ayant de réelles capacités dans le domaine marionnettique, sans a priori sur la forme, et acceptant une direction d’acteur. La rencontre avec le Théâtre des Petites Âmes s'est faite lors d’une édition du Festival Casteliers.
EL : Comment a été élaborée la forme marionnettique pour laquelle vous n’aviez pas d’idée préconçue ?
provenance du site web institutionnel
de la compagnie du Théâtre des
Petites Âmes
PC : La première fois que nous avons travaillé ensemble, à Montréal, j’avais apporté une petite valise avec quelques éléments de base et j’avais en tête de ne pas utiliser de marionnette-sac, a priori, de façon que ce spectacle-là soit identifié en dehors des productions propres à Garin Trousseboeuf et pour éviter de devoir former Isabelle à cette technique. D’après ce que je connaissais de son expérience, je prévoyais d’aller vers le conte et le théâtre d’objet. Isabelle avait une très bonne relation avec le public dans ce cadre. J’étais venu avec des pommes qui me restaient dans mon atelier. Je me souvenais du merveilleux marché Jean-Talon à Montréal avec ses quantités extraordinaires de grosses pommes bien luisantes, sans défaut, sans doute largement traitées… Nous avons travaillé sur le plateau de la salle qu’Isabelle avait louée en nous faisant l’un à l’autre des propositions et nous nous sommes dit que l’objet pomme était une thématique intéressante. L’idée des cubes m’est venue d’un de mes précédents spectacles, Les Misérables, dans lequel un très gros cube noir d’1m3 était en scène. Il était composé d’un assemblage de petits cubes de 20 cm3 qui éclataient pour constituer de façon anarchique une barricade. Là, j’ai pris le postulat inverse : des petits cubes blancs allaient peu à peu construire un grand cube d’un mètre de côté.
Nous avions décidé également de récolter chacun des poèmes très courts. J’ai envoyé des demandes de haïkus sur le thème de la pomme à tous les auteurs que je connaissais.
Puis, petit à petit, en répétant, on est arrivé à la constitution de ce petit personnage, une simple pomme sans corps marionnettique. Son corps, c’est la main de la manipulatrice. Une chose très basique. Isabelle est brillante dans ce genre d'exercice et ça a tout de suite accroché.
Nous avons fait appel à un illustrateur québécois, Laurent Pinabel, qui a réalisé de très beaux dessins sur les faces des cubes.
EL : Comment a été écrit le texte finalement ?
PC : Très rapidement. Les haïkus reçus ont constitué une sorte de matière de départ et nous avons passé commande à Arthur Lefebvre, qui a totalement adhéré à la démarche. Il est venu une seule fois dans mon atelier, à Saguenay. On lui a donné beaucoup de matière, d’images, de séquences et ce dont nous avions besoin comme texte a été fait. Le spectacle était essentiellement visuel, pas bavard. Le travail avec le musicien - Vincent Rébillard, un Français qui avait déjà collaboré avec moi - a été plus conséquent car il était cousu main. La partition pour le piano était très importante et sa présence était fondamentale dans les répétitions.
En tout, pour créer ce spectacle, nous nous sommes rencontrés dans un même lieu avec Isabelle sur quatre périodes d’une dizaine de jours.
EL : Quels étaient les avantages d’une telle co-création ?
PC : Élargir le champ de compétence des deux partenaires et découvrir d’autres savoir-faire. C’est une réelle ouverture artistique et humaine. Cela apporte une grande richesse de se confronter à des pratiques différentes, artistiques, administratives et techniques. Les Québécois sont très réactifs. Ils sont capables de faire face à des situations qui nous déstabiliseraient. Ce fut également un enrichissement de vocabulaire pour nous avec l’apport du mot « idéation » (2).
EL : Quelles ont été les difficultés ?
PC : Évidemment l’éloignement. Certaines tâches peuvent se faire à distance comme le montage des dossiers administratifs. Ces dossiers étant très lourds car le nombre des partenaires est doublé par définition. La compagnie québécoise avait beaucoup de compétences dans ce domaine.
D’autres tâches exigent la présence simultanée des partenaires. Nous avons alterné des séquences de travail en France et au Québec. Donc multiplication des frais : les locations de salles de répétition, les voyages coûteux en argent et en temps. Coûts augmentés en décors (deux décors, l’un construit dans l’atelier de Garin Trousseboeuf, l’autre construit à Montréal) et en publicité (deux affiches, deux teasers différents). Il faut donc pouvoir bénéficier d’aides en subventions, en coproductions, et préachats…
canadienne. Photo : Evelyne Lecucq, 2024
EL : Est-ce que la culture canadienne a eu un impact artistique sur la création ?
PC : Oui. Et pas seulement à cause de l’accent ! Le spectacle dans son état final ressemble aux spectacles de la compagnie Garin Trousseboeuf, comme il ressemble aux spectacles du Théâtre des Petites Âmes. Pomme est un produit spécifique qui aura eu une belle vie.
compagnie du Théâtre des Petites Âmes
EL : Quelles ont été les répercussions de cette co-création sur la circulation du spectacle ?
PC : Les réseaux de diffusion étant beaucoup plus larges en France qu’au Québec (je ne parle pas du Canada), nous avons, avec Garin Trousseboeuf, élargi la circulation du spectacle à l’international. La compagnie québécoise, elle, a considérablement augmenté le nombre de représentations. Isabelle l’a joué beaucoup à l’étranger, elle est très à l’aise avec ça. En France, bien entendu, mais aussi aux Etats-Unis, en Amérique Centrale, en Amérique du Sud, en Tchéquie, au Japon... Le spectacle existe dans plusieurs langues. Pomme est toujours au répertoire de la compagnie québécoise.
Théâtre des Petites Âmes, sans légende, publiée le 31 mai 2017
EL : Les conditions de tournée de part et d’autre vous semblent-elles équitables ?
PC : Nous avons fait le choix au départ de ne pas doubler le spectacle. D’autres auraient pu envisager une version québécoise et une version française. Les conditions administratives ont été négociées au départ du projet. Elles ont évolué au fil du temps, toujours équitablement, sans tensions et sans conflits.
Les conditions économiques des artistes sont très différentes en France et au Canada. Le statut français d’intermittent facilite grandement le processus de création. Il permet à l’artiste de dégager des périodes exclusives de répétition. Les artistes québécois travaillent à « l’américaine ». Les salles de répétition sont souvent louées. Les temps de répétition sont courts, mais beaucoup plus denses, extrêmement efficaces. La MIAM (maison des marionnettistes à Montréal) met des outils en location à la disposition des marionnettistes.
Les prix des places des spectacles sont plus élevés, y compris même pour le jeune public.
Pour exister, les compagnies québécoises doivent s’exporter. Le réseau de salles de programmation est très réduit. Les compagnies québécoises sont donc bien plus compétentes dans l’organisation des tournées à l’étranger.
Les artistes québécois envient les artistes français. Les techniciens également, qui doivent « jouer des coudes » pour pouvoir vivre.
Dans notre cas, chaque compagnie a géré les contrats des représentations de son territoire. Les contrats hors France et hors Canada sont à la charge de la compagnie québécoise, ainsi que les rémunérations.
Après trois ou quatre saisons, j’ai confié la totalité de l’exploitation du spectacle à la compagnie québécoise. La compagnie Garin Trousseboeuf n’a pas constitué de répertoire, sauf exception, contrairement au Théâtre des Petites Âmes qui garde en exploitation l’intégralité de ses spectacles.
En ce qui concerne les subventions, le régime est très différent d’un pays à l’autre. Au moment de la création de Pomme, le contraste était grand. Garin Trousseboeuf était conventionnée (une convention tripartite État/Région/département) alors que les Petites Âmes recevait des aides ponctuelles à la création et surtout à la diffusion.
EL : Si c’était à refaire, que referiez-vous ? Que voudriez-vous éviter ?
PC : C’est une opération totalement positive à tous points de vue. J’encourage les compagnies françaises à se lancer dans de telles expériences : « Voyager forme la jeunesse » ! Je suis pour le métissage à tous les niveaux.
institutionnel de la compagnie du Théâtre des Petites Âmes
Si c’était, non pas à refaire mais à renouveler, j’inverserais les rôles de l’interprète et du metteur en scène. J’ai mis en scène et dirigé la quasi-totalité des spectacles de la compagnie Garin Trousseboeuf. J’aurais aimé être dirigé comme au début de ma carrière pour me consacrer uniquement au jeu et ce au milieu d’une distribution plus importante. Maintenant, c’est sans doute trop tard (3).
EL : Quels conseils donneriez-vous à un·e artiste qui voudrait monter une coproduction franco-québécoise ?
PC : Ne pas être seul, s’entourer d’un bon administrateur. Prendre le temps, en amont de la mise en œuvre concrète du projet, de bien définir les enjeux artistiques. S’appuyer sur des partenaires institutionnels en équilibrant les participations d’un côté comme de l’autre. Organiser une rencontre ou un stage de quelques jours dans chaque pays puis confirmer, ou non, l’envie de travailler ensemble.
Petit conseil éventuel : commencer par un pays partenaire plutôt francophone et si possible sans océan à franchir...
- Entre autres, le festival de Casteliers de Montréal, le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières et le Théâtre de Laval en France.
- « Idéation », très employé au Québec, est sensiblement le synonyme de « conception » (ndlr). Il comprend à la fois les idées à l’origine d’un spectacle et le travail de plateau.
- La compagnie Garin Trousseboeuf a cessé ses activités. Patrick Conan est retraité, mais néanmoins très actif (ndlr).
Patrick Conan, de la compagnie Garin Trousseboeuf, a bien voulu se prêter au jeu des questions d'Evelyne Lecucq, en février 2024
Evelyne Lecucq : Comment vous est venue l’idée d’une coproduction franco-québécoise ?
Patrick Conan : Je précise. Le plus souvent, dans le cadre d’un contrat rédigé entre une compagnie et une structure de diffusion - théâtre, festival, etc. -, une coproduction signifie apport (aide, contribution) sous forme d’argent ou de service pour la réalisation d’un projet, sa création ou sa diffusion. Ici, il s’agit de l’association de deux compagnies pour la réalisation d’un spectacle, chacune apportant ses compétences artistiques, administratives, techniques, dans l’idée d’un partage globalement équitable, avec le soutien de diffuseurs (1) et d’institutions françaises et canadiennes. Le terme cocréation me semble plus juste.
Pomme est né d’un autre projet antérieur, plus ambitieux, intitulé Fleuves, capteurs de rêves, qui a avorté. Il mettait en jeu trois compagnies issues de trois pays différents (Canada, Vietnam, France) s’appuyant sur trois festivals internationaux (Casteliers, Hanoï, Charleville) avec comme thème trois fleuves (le Saint-Laurent, le fleuve rouge, la Loire). Ce beau projet, imaginé dans l’appartement de Louise Lapointe, directrice artistique du Festival Casteliers à Montréal, a échoué faute de solidarité de plusieurs compagnies malgré le soutien des institutions françaises et canadiennes.
Dépités par cet échec, Louise Lapointe et moi avons absolument voulu rebondir en lançant le principe d’un projet binational entre Garin Trousseboeuf et une compagnie québécoise, d’autant que la subvention qui nous était dédiée était en attente d’une concrétisation. Louise m’a proposé le Théâtre des Petites Âmes de Montréal, dirigé par Isabelle Payant et Stéphane Guy.
compagnie du Théâtre des Petites Âmes, légendée "Là où
l'aventure de POMME a commencé...", publiée le 30 octobre 2010
EL : Quels étaient vos critères ?
PC : N’ayant pas l’intention d’endosser l’interprétation et me réservant la mise en scène, je souhaitais une compagnie capable d’assumer un texte, ayant de réelles capacités dans le domaine marionnettique, sans a priori sur la forme, et acceptant une direction d’acteur. La rencontre avec le Théâtre des Petites Âmes s'est faite lors d’une édition du Festival Casteliers.
EL : Comment a été élaborée la forme marionnettique pour laquelle vous n’aviez pas d’idée préconçue ?
provenance du site web institutionnel
de la compagnie du Théâtre des
Petites Âmes
PC : La première fois que nous avons travaillé ensemble, à Montréal, j’avais apporté une petite valise avec quelques éléments de base et j’avais en tête de ne pas utiliser de marionnette-sac, a priori, de façon que ce spectacle-là soit identifié en dehors des productions propres à Garin Trousseboeuf et pour éviter de devoir former Isabelle à cette technique. D’après ce que je connaissais de son expérience, je prévoyais d’aller vers le conte et le théâtre d’objet. Isabelle avait une très bonne relation avec le public dans ce cadre. J’étais venu avec des pommes qui me restaient dans mon atelier. Je me souvenais du merveilleux marché Jean-Talon à Montréal avec ses quantités extraordinaires de grosses pommes bien luisantes, sans défaut, sans doute largement traitées… Nous avons travaillé sur le plateau de la salle qu’Isabelle avait louée en nous faisant l’un à l’autre des propositions et nous nous sommes dit que l’objet pomme était une thématique intéressante. L’idée des cubes m’est venue d’un de mes précédents spectacles, Les Misérables, dans lequel un très gros cube noir d’1m3 était en scène. Il était composé d’un assemblage de petits cubes de 20 cm3 qui éclataient pour constituer de façon anarchique une barricade. Là, j’ai pris le postulat inverse : des petits cubes blancs allaient peu à peu construire un grand cube d’un mètre de côté.
Nous avions décidé également de récolter chacun des poèmes très courts. J’ai envoyé des demandes de haïkus sur le thème de la pomme à tous les auteurs que je connaissais.
Puis, petit à petit, en répétant, on est arrivé à la constitution de ce petit personnage, une simple pomme sans corps marionnettique. Son corps, c’est la main de la manipulatrice. Une chose très basique. Isabelle est brillante dans ce genre d'exercice et ça a tout de suite accroché.
Nous avons fait appel à un illustrateur québécois, Laurent Pinabel, qui a réalisé de très beaux dessins sur les faces des cubes.
EL : Comment a été écrit le texte finalement ?
PC : Très rapidement. Les haïkus reçus ont constitué une sorte de matière de départ et nous avons passé commande à Arthur Lefebvre, qui a totalement adhéré à la démarche. Il est venu une seule fois dans mon atelier, à Saguenay. On lui a donné beaucoup de matière, d’images, de séquences et ce dont nous avions besoin comme texte a été fait. Le spectacle était essentiellement visuel, pas bavard. Le travail avec le musicien - Vincent Rébillard, un Français qui avait déjà collaboré avec moi - a été plus conséquent car il était cousu main. La partition pour le piano était très importante et sa présence était fondamentale dans les répétitions.
En tout, pour créer ce spectacle, nous nous sommes rencontrés dans un même lieu avec Isabelle sur quatre périodes d’une dizaine de jours.
EL : Quels étaient les avantages d’une telle co-création ?
PC : Élargir le champ de compétence des deux partenaires et découvrir d’autres savoir-faire. C’est une réelle ouverture artistique et humaine. Cela apporte une grande richesse de se confronter à des pratiques différentes, artistiques, administratives et techniques. Les Québécois sont très réactifs. Ils sont capables de faire face à des situations qui nous déstabiliseraient. Ce fut également un enrichissement de vocabulaire pour nous avec l’apport du mot « idéation » (2).
EL : Quelles ont été les difficultés ?
PC : Évidemment l’éloignement. Certaines tâches peuvent se faire à distance comme le montage des dossiers administratifs. Ces dossiers étant très lourds car le nombre des partenaires est doublé par définition. La compagnie québécoise avait beaucoup de compétences dans ce domaine.
D’autres tâches exigent la présence simultanée des partenaires. Nous avons alterné des séquences de travail en France et au Québec. Donc multiplication des frais : les locations de salles de répétition, les voyages coûteux en argent et en temps. Coûts augmentés en décors (deux décors, l’un construit dans l’atelier de Garin Trousseboeuf, l’autre construit à Montréal) et en publicité (deux affiches, deux teasers différents). Il faut donc pouvoir bénéficier d’aides en subventions, en coproductions, et préachats…
canadienne. Photo : Evelyne Lecucq, 2024
EL : Est-ce que la culture canadienne a eu un impact artistique sur la création ?
PC : Oui. Et pas seulement à cause de l’accent ! Le spectacle dans son état final ressemble aux spectacles de la compagnie Garin Trousseboeuf, comme il ressemble aux spectacles du Théâtre des Petites Âmes. Pomme est un produit spécifique qui aura eu une belle vie.
compagnie du Théâtre des Petites Âmes
EL : Quelles ont été les répercussions de cette co-création sur la circulation du spectacle ?
PC : Les réseaux de diffusion étant beaucoup plus larges en France qu’au Québec (je ne parle pas du Canada), nous avons, avec Garin Trousseboeuf, élargi la circulation du spectacle à l’international. La compagnie québécoise, elle, a considérablement augmenté le nombre de représentations. Isabelle l’a joué beaucoup à l’étranger, elle est très à l’aise avec ça. En France, bien entendu, mais aussi aux Etats-Unis, en Amérique Centrale, en Amérique du Sud, en Tchéquie, au Japon... Le spectacle existe dans plusieurs langues. Pomme est toujours au répertoire de la compagnie québécoise.
Théâtre des Petites Âmes, sans légende, publiée le 31 mai 2017
EL : Les conditions de tournée de part et d’autre vous semblent-elles équitables ?
PC : Nous avons fait le choix au départ de ne pas doubler le spectacle. D’autres auraient pu envisager une version québécoise et une version française. Les conditions administratives ont été négociées au départ du projet. Elles ont évolué au fil du temps, toujours équitablement, sans tensions et sans conflits.
Les conditions économiques des artistes sont très différentes en France et au Canada. Le statut français d’intermittent facilite grandement le processus de création. Il permet à l’artiste de dégager des périodes exclusives de répétition. Les artistes québécois travaillent à « l’américaine ». Les salles de répétition sont souvent louées. Les temps de répétition sont courts, mais beaucoup plus denses, extrêmement efficaces. La MIAM (maison des marionnettistes à Montréal) met des outils en location à la disposition des marionnettistes.
Les prix des places des spectacles sont plus élevés, y compris même pour le jeune public.
Pour exister, les compagnies québécoises doivent s’exporter. Le réseau de salles de programmation est très réduit. Les compagnies québécoises sont donc bien plus compétentes dans l’organisation des tournées à l’étranger.
Les artistes québécois envient les artistes français. Les techniciens également, qui doivent « jouer des coudes » pour pouvoir vivre.
Dans notre cas, chaque compagnie a géré les contrats des représentations de son territoire. Les contrats hors France et hors Canada sont à la charge de la compagnie québécoise, ainsi que les rémunérations.
Après trois ou quatre saisons, j’ai confié la totalité de l’exploitation du spectacle à la compagnie québécoise. La compagnie Garin Trousseboeuf n’a pas constitué de répertoire, sauf exception, contrairement au Théâtre des Petites Âmes qui garde en exploitation l’intégralité de ses spectacles.
En ce qui concerne les subventions, le régime est très différent d’un pays à l’autre. Au moment de la création de Pomme, le contraste était grand. Garin Trousseboeuf était conventionnée (une convention tripartite État/Région/département) alors que les Petites Âmes recevait des aides ponctuelles à la création et surtout à la diffusion.
EL : Si c’était à refaire, que referiez-vous ? Que voudriez-vous éviter ?
PC : C’est une opération totalement positive à tous points de vue. J’encourage les compagnies françaises à se lancer dans de telles expériences : « Voyager forme la jeunesse » ! Je suis pour le métissage à tous les niveaux.
institutionnel de la compagnie du Théâtre des Petites Âmes
Si c’était, non pas à refaire mais à renouveler, j’inverserais les rôles de l’interprète et du metteur en scène. J’ai mis en scène et dirigé la quasi-totalité des spectacles de la compagnie Garin Trousseboeuf. J’aurais aimé être dirigé comme au début de ma carrière pour me consacrer uniquement au jeu et ce au milieu d’une distribution plus importante. Maintenant, c’est sans doute trop tard (3).
EL : Quels conseils donneriez-vous à un·e artiste qui voudrait monter une coproduction franco-québécoise ?
PC : Ne pas être seul, s’entourer d’un bon administrateur. Prendre le temps, en amont de la mise en œuvre concrète du projet, de bien définir les enjeux artistiques. S’appuyer sur des partenaires institutionnels en équilibrant les participations d’un côté comme de l’autre. Organiser une rencontre ou un stage de quelques jours dans chaque pays puis confirmer, ou non, l’envie de travailler ensemble.
Petit conseil éventuel : commencer par un pays partenaire plutôt francophone et si possible sans océan à franchir...
- Entre autres, le festival de Casteliers de Montréal, le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières et le Théâtre de Laval en France.
- « Idéation », très employé au Québec, est sensiblement le synonyme de « conception » (ndlr). Il comprend à la fois les idées à l’origine d’un spectacle et le travail de plateau.
- La compagnie Garin Trousseboeuf a cessé ses activités. Patrick Conan est retraité, mais néanmoins très actif (ndlr).