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- Parcours croisé franco-québécois : Des coproductions, des co-créations de part et d'autre de l'Atlantique : retours d'expériences ; Celle qui marche loin, 2019 - Ombres Folles (Québec) et RoiZIZO théâtre (France)
- L'important, c'est la rencontre artistique : Entretien avec Maude Gareau des Ombres Folles, mené par Michelle Chanonat
L'important, c'est la rencontre artistique : Entretien avec Maude Gareau des Ombres Folles, mené par Michelle Chanonat
Directrice artistique de la compagnie Ombres Folles, qu’elle a cofondée en 2005, Maude Gareau est comédienne, metteuse en scène et marionnettiste. Avec huit spectacles et près de 600 représentations au Canada, aux États-Unis, en France, en Serbie et en Ukraine, Ombres Folles défend un théâtre de l’imagination, intergénérationnel, fait d’objets, d’ombres et de marionnettes.
Gareau des Ombres Folles, 2022
En 2019, la compagnie réalise une coproduction franco-québécoise avec RoiZIZO Théâtre, une compagnie de Bretagne dirigée par Gildwen Peronno, pour Celle qui marche loin. Le spectacle raconte l’histoire de Marie, une femme autochtone qui s’embarque avec son mari Pierre dans une expédition qui leur fera traverser l’Amérique d’est en ouest. Bâtisseuse et pionnière, Marie traversera trois fois les montagnes Rocheuses à pied, dans des conditions épiques. Maude Gareau a découvert son histoire dans le livre de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, Elles ont fait l’Amérique, paru en 2011.
Maude Gareau et Gildwen Peronno se sont rencontrés lors d’un stage de théâtre d’ombres, donné par le maître en la matière Fabrizio Montecchi, à l’Institut International de la Marionnette à Charleville-Mézières, en 2012. « On se retrouvait dans le langage, l’esthétique, la manière de raconter. Nos deux compagnies étaient jumelles à ce moment-là, même âge, même historique. A la blague, on s’est dit que ce serait bien de travailler ensemble, un jour. Ça a pris
des années ! » dit Maude Gareau. Ils se revoient en 2015, alors que RoiZIZO vient présenter un solo au Festival international des arts de la marionnette du Saguenay (FIAMS) et, à partir de là, l’idée de collaborer se concrétise.
« Ma compagnie avait évolué et j’étais plus en mesure d’aller chercher les fonds pour réaliser une coproduction, précise Maude. Au début, on ne savait pas trop ce que ça impliquait, on l’a découvert en avançant. »
Gareau des Ombres Folles, 2022
Les différences culturelles
Le montage financier est complexe, la France et le Québec ayant des fonctionnements fort différents. Au Québec, des fonds auprès des différents Conseils des arts sont disponibles pour les coproductions, alors qu’en France, la compagnie doit s’adresser à des théâtres (dans ce cas-ci, Théâtre À la Coque, Bouffou Théâtre) pour obtenir un soutien, et la subvention de la DRAC est arrivée alors que les premières représentations étaient faites. Durant la création, Ombres Folles avait donc des fonds que RoiZIZO n’avait pas. « Même si les choses ne sont pas partagées de la même manière, on ne peut pas mettre en danger la création, dit Maude Gareau. Pour Celle qui marche loin, le projet artistique était très fort, et c’est essentiel. Dans un désir d’équité, et avec la volonté d’installer des bases solides, nous avons établi entre nous des contrats de coproduction, de codiffusion. Mais il faut que le plaisir vienne du projet artistique. Si cela n’existe pas, le reste va être trop ardu. On ne peut pas se lancer dans une coproduction pour seulement développer un réseau de diffusion et bénéficier de financements additionnels, c’est le désir d’accomplir un projet artistique qui prime. L’important, c’est la rencontre artistique et c’est ce qui fait qu’on a pu traverser tous les problèmes qu’on a vécus, Gildwen et moi. Le ciment de cette rencontre était réel, et on a voulu aller jusqu’au bout. »
La communication n’est pas simple non plus. « Même si on parle la même langue, on n’a pas la même culture, ni la même façon de dire les choses, dit Maude Gareau. Pendant la création, en improvisation, je faisais des propositions et Gildwen disait : ouais, c’est pas mal. Au Québec, on réagit avec plus d’emphase,
plus positivement, en tout cas plus qu’en France ! Je ne me faisais pas confiance, et ça a pris du temps avant que Gildwen précise : quand je dis que c’est pas mal, ça veut dire que c’est bien. »
Gareau des Ombres Folles, 2022
En revanche, l’équilibre est (presque) parfait dans l’équipe de création et de conception, ce qui a demandé de nombreux allers et retours entre les deux pays. Et là aussi, c’est compliqué : quand Maude Gareau va jouer en France, voyages et nuits d’hôtel sont pris en charge par des subventions de tournée du Canada et du Québec, alors que lorsque Gildwen Peronno vient jouer au Québec, c’est la compagnie québécoise qui doit assumer les coûts de déplacements.
Création et diffusion
Après deux ans de préparation et deux ans de création, le spectacle est présenté en 2019 au Festival Méliscènes, en Bretagne, puis au FIAMS en juillet et au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières en septembre. « La diffusion était bien partie, dit Maude, et on s’attendait à avoir
des séries de représentations, en France et au Québec. Mais la pandémie est arrivée… »
Et il a fallu attendre deux ans avant de reprendre la diffusion. Au Québec, les diffuseurs ont été fidèles, ils ont programmé le spectacle, à Québec, en Gaspésie, sur la Côte-Nord. En France, les diffuseurs qui s’étaient engagés l’ont programmé, mais ce fut plus difficile au niveau du développement : « On nous disait que c’est un vieux spectacle ! Il y a eu tellement de spectacles sortis en 2021, notre spectacle de 2019 n’était pas une nouveauté… »
Finalement, la diffusion du spectacle a été plus importante au Québec qu’en France. En 2021, Ombres Folles avait un très bon réseau de diffusion alors que RoiZIZO avait développé un réseau de présentation de petites formes en solos, c’était donc plus difficile de diffuser un spectacle sur grand plateau avec deux acteurs.
Gareau des Ombres Folles, 2022
Celle qui marche loin aborde des sujets qui ne sont pas connus de la même manière en France et au Québec, et la compréhension est différente d’un continent à l’autre. « Au Québec, quand on évoque les Premières Nations, les coureurs des bois, la Nouvelle-France, on sait ce que c’est, ça s’apprend à l’école, explique Maude Gareau. En France, les enfants ne savent pas ce que c’est, disons que c’est… folklorique. Dans les deux cas, la réception est bonne, mais la compréhension n’est pas située au même endroit, ce qui donne des réactions différentes. En revanche, en France, on connait mieux le théâtre d’objets, les publics adultes vont embarquer plus facilement, alors qu’au Québec, c’est encore une curiosité. »
L'important, c'est la rencontre artistique : Entretien avec Maude Gareau des Ombres Folles, mené par Michelle Chanonat
Directrice artistique de la compagnie Ombres Folles, qu’elle a cofondée en 2005, Maude Gareau est comédienne, metteuse en scène et marionnettiste. Avec huit spectacles et près de 600 représentations au Canada, aux États-Unis, en France, en Serbie et en Ukraine, Ombres Folles défend un théâtre de l’imagination, intergénérationnel, fait d’objets, d’ombres et de marionnettes.
Gareau des Ombres Folles, 2022
En 2019, la compagnie réalise une coproduction franco-québécoise avec RoiZIZO Théâtre, une compagnie de Bretagne dirigée par Gildwen Peronno, pour Celle qui marche loin. Le spectacle raconte l’histoire de Marie, une femme autochtone qui s’embarque avec son mari Pierre dans une expédition qui leur fera traverser l’Amérique d’est en ouest. Bâtisseuse et pionnière, Marie traversera trois fois les montagnes Rocheuses à pied, dans des conditions épiques. Maude Gareau a découvert son histoire dans le livre de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, Elles ont fait l’Amérique, paru en 2011.
Maude Gareau et Gildwen Peronno se sont rencontrés lors d’un stage de théâtre d’ombres, donné par le maître en la matière Fabrizio Montecchi, à l’Institut International de la Marionnette à Charleville-Mézières, en 2012. « On se retrouvait dans le langage, l’esthétique, la manière de raconter. Nos deux compagnies étaient jumelles à ce moment-là, même âge, même historique. A la blague, on s’est dit que ce serait bien de travailler ensemble, un jour. Ça a pris
des années ! » dit Maude Gareau. Ils se revoient en 2015, alors que RoiZIZO vient présenter un solo au Festival international des arts de la marionnette du Saguenay (FIAMS) et, à partir de là, l’idée de collaborer se concrétise.
« Ma compagnie avait évolué et j’étais plus en mesure d’aller chercher les fonds pour réaliser une coproduction, précise Maude. Au début, on ne savait pas trop ce que ça impliquait, on l’a découvert en avançant. »
Gareau des Ombres Folles, 2022
Les différences culturelles
Le montage financier est complexe, la France et le Québec ayant des fonctionnements fort différents. Au Québec, des fonds auprès des différents Conseils des arts sont disponibles pour les coproductions, alors qu’en France, la compagnie doit s’adresser à des théâtres (dans ce cas-ci, Théâtre À la Coque, Bouffou Théâtre) pour obtenir un soutien, et la subvention de la DRAC est arrivée alors que les premières représentations étaient faites. Durant la création, Ombres Folles avait donc des fonds que RoiZIZO n’avait pas. « Même si les choses ne sont pas partagées de la même manière, on ne peut pas mettre en danger la création, dit Maude Gareau. Pour Celle qui marche loin, le projet artistique était très fort, et c’est essentiel. Dans un désir d’équité, et avec la volonté d’installer des bases solides, nous avons établi entre nous des contrats de coproduction, de codiffusion. Mais il faut que le plaisir vienne du projet artistique. Si cela n’existe pas, le reste va être trop ardu. On ne peut pas se lancer dans une coproduction pour seulement développer un réseau de diffusion et bénéficier de financements additionnels, c’est le désir d’accomplir un projet artistique qui prime. L’important, c’est la rencontre artistique et c’est ce qui fait qu’on a pu traverser tous les problèmes qu’on a vécus, Gildwen et moi. Le ciment de cette rencontre était réel, et on a voulu aller jusqu’au bout. »
La communication n’est pas simple non plus. « Même si on parle la même langue, on n’a pas la même culture, ni la même façon de dire les choses, dit Maude Gareau. Pendant la création, en improvisation, je faisais des propositions et Gildwen disait : ouais, c’est pas mal. Au Québec, on réagit avec plus d’emphase,
plus positivement, en tout cas plus qu’en France ! Je ne me faisais pas confiance, et ça a pris du temps avant que Gildwen précise : quand je dis que c’est pas mal, ça veut dire que c’est bien. »
Gareau des Ombres Folles, 2022
En revanche, l’équilibre est (presque) parfait dans l’équipe de création et de conception, ce qui a demandé de nombreux allers et retours entre les deux pays. Et là aussi, c’est compliqué : quand Maude Gareau va jouer en France, voyages et nuits d’hôtel sont pris en charge par des subventions de tournée du Canada et du Québec, alors que lorsque Gildwen Peronno vient jouer au Québec, c’est la compagnie québécoise qui doit assumer les coûts de déplacements.
Création et diffusion
Après deux ans de préparation et deux ans de création, le spectacle est présenté en 2019 au Festival Méliscènes, en Bretagne, puis au FIAMS en juillet et au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières en septembre. « La diffusion était bien partie, dit Maude, et on s’attendait à avoir
des séries de représentations, en France et au Québec. Mais la pandémie est arrivée… »
Et il a fallu attendre deux ans avant de reprendre la diffusion. Au Québec, les diffuseurs ont été fidèles, ils ont programmé le spectacle, à Québec, en Gaspésie, sur la Côte-Nord. En France, les diffuseurs qui s’étaient engagés l’ont programmé, mais ce fut plus difficile au niveau du développement : « On nous disait que c’est un vieux spectacle ! Il y a eu tellement de spectacles sortis en 2021, notre spectacle de 2019 n’était pas une nouveauté… »
Finalement, la diffusion du spectacle a été plus importante au Québec qu’en France. En 2021, Ombres Folles avait un très bon réseau de diffusion alors que RoiZIZO avait développé un réseau de présentation de petites formes en solos, c’était donc plus difficile de diffuser un spectacle sur grand plateau avec deux acteurs.
Gareau des Ombres Folles, 2022
Celle qui marche loin aborde des sujets qui ne sont pas connus de la même manière en France et au Québec, et la compréhension est différente d’un continent à l’autre. « Au Québec, quand on évoque les Premières Nations, les coureurs des bois, la Nouvelle-France, on sait ce que c’est, ça s’apprend à l’école, explique Maude Gareau. En France, les enfants ne savent pas ce que c’est, disons que c’est… folklorique. Dans les deux cas, la réception est bonne, mais la compréhension n’est pas située au même endroit, ce qui donne des réactions différentes. En revanche, en France, on connait mieux le théâtre d’objets, les publics adultes vont embarquer plus facilement, alors qu’au Québec, c’est encore une curiosité. »