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« Une machine avec quatre bonshommes »
Tempo (1953, Lafaye) : marionnettes. Marionnettes. La boule,
Source : Gallica - BnF
Pour produire cette illusion de projection cinématographique, Lafaye utilise la technique du théâtre noir − manipulation d’objets sur fond noir, dans un couloir de lumière créé par des projecteurs latéraux, où les manipulateurs habillés d’une combinaison de velours noir s’effacent totalement –, combinée à celle de la lumière noire (lampe de Wood). Il construit des figures géométriques articulées dont certaines parties sont recouvertes de peinture phosphorescente blanche, rouge, jaune ou verte (18) : deux spirales qui rappellent les « rotoreliefs » de Marcel Duchamp, carrés, rectangles, lignes, demi-cercles, sphères, peigne, « double-croissant » etc. Ces figures en contreplaqué contrecollé de carton sont équipées de poignées ou tournent autour d’axes.
Adéquatement animées, ces constructions créent des images qui ne laissent pas deviner la façon dont elles sont produites : clignotements, trait qui s’étire ou s’efface progressivement, apparitions et disparitions subites, métamorphoses. Ce spectacle exécute en temps réel des enchaînements de mouvements et de figures qui, dans le cinéma de Richter, Eggeling ou Ruttman, étaient réalisées par un montage image par image.
La performance est d’autant plus remarquable que le poids des objets – c’est une constante chez Lafaye, tous les objets sont extrêmement lourds –, combiné aux contraintes de la manipulation chorale à l’aveugle et à l’exigence de précision radicale du metteur en scène, rendait l’animation exceptionnellement difficile et a laissé de douloureux souvenirs aux manipulateurs (Michèle Hénin – son épouse, Raynaud, Coquerelle et Humet à la création ; ou Fabienne Bangalter dans les années 70).
Lafaye demandait à chacun de mémoriser « à partir d’un vocabulaire qu’il transmettait » une chorégraphie longuement étudiée. Il les faisait travailler les yeux fermés en s’appuyant uniquement sur l’écoute de la musique, de sorte qu’ils n’aient plus besoin de repères visuels, ces derniers étant neutralisés par l’obscurité de la scène et la cagoule qui leur couvrait la tête. Pour ses collaborateurs, cette pratique, proche de la danse, a constitué une véritable école de prise de conscience de son propre corps dans l’espace, qu’ils comparent à la pratique des arts martiaux (19).
* Interview des manipulateurs de Georges Lafaye, enregistrement conservé dans le fonds Lafaye, BnF ASP.
18. Les objets de ce spectacle sont aujourd’hui conservés dans le fonds Lafaye au département des Arts du spectacle de la BnF. Ils ont fait l’objet d’une campagne photographique dont le résultat est consultable sur Gallica.
« Une machine avec quatre bonshommes »
Tempo (1953, Lafaye) : marionnettes. Marionnettes. La boule,
Source : Gallica - BnF
Pour produire cette illusion de projection cinématographique, Lafaye utilise la technique du théâtre noir − manipulation d’objets sur fond noir, dans un couloir de lumière créé par des projecteurs latéraux, où les manipulateurs habillés d’une combinaison de velours noir s’effacent totalement –, combinée à celle de la lumière noire (lampe de Wood). Il construit des figures géométriques articulées dont certaines parties sont recouvertes de peinture phosphorescente blanche, rouge, jaune ou verte (18) : deux spirales qui rappellent les « rotoreliefs » de Marcel Duchamp, carrés, rectangles, lignes, demi-cercles, sphères, peigne, « double-croissant » etc. Ces figures en contreplaqué contrecollé de carton sont équipées de poignées ou tournent autour d’axes.
Adéquatement animées, ces constructions créent des images qui ne laissent pas deviner la façon dont elles sont produites : clignotements, trait qui s’étire ou s’efface progressivement, apparitions et disparitions subites, métamorphoses. Ce spectacle exécute en temps réel des enchaînements de mouvements et de figures qui, dans le cinéma de Richter, Eggeling ou Ruttman, étaient réalisées par un montage image par image.
La performance est d’autant plus remarquable que le poids des objets – c’est une constante chez Lafaye, tous les objets sont extrêmement lourds –, combiné aux contraintes de la manipulation chorale à l’aveugle et à l’exigence de précision radicale du metteur en scène, rendait l’animation exceptionnellement difficile et a laissé de douloureux souvenirs aux manipulateurs (Michèle Hénin – son épouse, Raynaud, Coquerelle et Humet à la création ; ou Fabienne Bangalter dans les années 70).
Lafaye demandait à chacun de mémoriser « à partir d’un vocabulaire qu’il transmettait » une chorégraphie longuement étudiée. Il les faisait travailler les yeux fermés en s’appuyant uniquement sur l’écoute de la musique, de sorte qu’ils n’aient plus besoin de repères visuels, ces derniers étant neutralisés par l’obscurité de la scène et la cagoule qui leur couvrait la tête. Pour ses collaborateurs, cette pratique, proche de la danse, a constitué une véritable école de prise de conscience de son propre corps dans l’espace, qu’ils comparent à la pratique des arts martiaux (19).
* Interview des manipulateurs de Georges Lafaye, enregistrement conservé dans le fonds Lafaye, BnF ASP.
18. Les objets de ce spectacle sont aujourd’hui conservés dans le fonds Lafaye au département des Arts du spectacle de la BnF. Ils ont fait l’objet d’une campagne photographique dont le résultat est consultable sur Gallica.