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Dramaturgie de la matière et art du mouvement
de spectacle © Théâtre de la Marionnette à Paris -
photo : Yves Joly
Après Les Mains seules, et une période de désarroi – comment aller au-delà ? (9) – Joly reprend l’exploration des matériaux. Pour Tragédie de papier, en 1956, ce sera de simples silhouettes découpées dans du carton recouvert de papier gouaché de couleurs vives, fixées sur des baguettes de bois. Pour certaines, la tête et le corps sont montées sur deux baguettes indépendantes ce qui permet de légères variations de manipulation. Dans ce numéro d’une dizaine de minutes, la Lune, hiératique, occupant le milieu de la scène, est courtisée par un joyeux « Solaire », un « vieux vicieux », un « petit minable », un « gros rondouillard » – comme la troupe les désignait en coulisse. Chacun selon son tempérament tente une approche de séduction. En vain, la belle reste indifférente. Survient un cinquième individu, qui, sans rien faire, gagne ses faveurs. Tendre duo, effleurements. Cela suffit à susciter la jalousie des prétendants écartés. L’un d’eux réapparaît muni de ciseaux, dont il balafre le visage de la Lune, qui tombe. Puis, une torche à la main, il met le feu à l’amoureux qui se consume, immobile, tenant le corps de sa bien-aimée (10). Le tout se joue sans paroles, d’abord sur une musique de percussions, puis sur le Concerto for Trumpet d’Aimé Barelli qui accompagne la tension tragique. Évoluant sur fond noir dans la lumière oblique, avec une extrême lenteur, les quatre animateurs (Dominique Gimet, Sylvestre, Hélène et Yves Joly (11)) font varier les expressions des figures avec d’infimes détails : un tremblement, une légère inclination pour faire varier l’ombre portée par le nez d’un personnage, une pression d’un doigt pour incurver le carton préalablement travaillé pour obtenir la consistance et la résistance idoines. Le dispositif scénique est simplement composé au premier plan d’une bande recouverte d’un tissu noir, et au second, occupant le milieu de la scène, derrière la Lune, d’un pendrillon fixé sur un pied téléscopique de sorte à permettre de mystérieuses apparitions et disparitions des prétendants derrière la Lune sans entrées ni sorties.
Pour les marionnettistes comme pour le public le dénouement de ce numéro parfois intitulé dans les programmes étrangers « Théâtre de papier » constitue un choc dramaturgique : les différents états de la matière elle-même peuvent devenir un principe d’écriture.
9. Voir le journal tenu par Yves Joly au moment des débuts à la Rose Rouge avec « Les Mains seules », fonds Yves Joly, Pôle International de la Marionnette.
10. Synopsis du scénario raconté par Sylvestre Joly, cf. entretien réalisé par le Pôle International de la Marionnette, Figanières, 25 mars 2017.
11. Distribution originale de Tragédie de papier, qui m’a été confirmée oralement par Sylvestre Joly.
Dramaturgie de la matière et art du mouvement
de spectacle © Théâtre de la Marionnette à Paris -
photo : Yves Joly
Après Les Mains seules, et une période de désarroi – comment aller au-delà ? (9) – Joly reprend l’exploration des matériaux. Pour Tragédie de papier, en 1956, ce sera de simples silhouettes découpées dans du carton recouvert de papier gouaché de couleurs vives, fixées sur des baguettes de bois. Pour certaines, la tête et le corps sont montées sur deux baguettes indépendantes ce qui permet de légères variations de manipulation. Dans ce numéro d’une dizaine de minutes, la Lune, hiératique, occupant le milieu de la scène, est courtisée par un joyeux « Solaire », un « vieux vicieux », un « petit minable », un « gros rondouillard » – comme la troupe les désignait en coulisse. Chacun selon son tempérament tente une approche de séduction. En vain, la belle reste indifférente. Survient un cinquième individu, qui, sans rien faire, gagne ses faveurs. Tendre duo, effleurements. Cela suffit à susciter la jalousie des prétendants écartés. L’un d’eux réapparaît muni de ciseaux, dont il balafre le visage de la Lune, qui tombe. Puis, une torche à la main, il met le feu à l’amoureux qui se consume, immobile, tenant le corps de sa bien-aimée (10). Le tout se joue sans paroles, d’abord sur une musique de percussions, puis sur le Concerto for Trumpet d’Aimé Barelli qui accompagne la tension tragique. Évoluant sur fond noir dans la lumière oblique, avec une extrême lenteur, les quatre animateurs (Dominique Gimet, Sylvestre, Hélène et Yves Joly (11)) font varier les expressions des figures avec d’infimes détails : un tremblement, une légère inclination pour faire varier l’ombre portée par le nez d’un personnage, une pression d’un doigt pour incurver le carton préalablement travaillé pour obtenir la consistance et la résistance idoines. Le dispositif scénique est simplement composé au premier plan d’une bande recouverte d’un tissu noir, et au second, occupant le milieu de la scène, derrière la Lune, d’un pendrillon fixé sur un pied téléscopique de sorte à permettre de mystérieuses apparitions et disparitions des prétendants derrière la Lune sans entrées ni sorties.
Pour les marionnettistes comme pour le public le dénouement de ce numéro parfois intitulé dans les programmes étrangers « Théâtre de papier » constitue un choc dramaturgique : les différents états de la matière elle-même peuvent devenir un principe d’écriture.
9. Voir le journal tenu par Yves Joly au moment des débuts à la Rose Rouge avec « Les Mains seules », fonds Yves Joly, Pôle International de la Marionnette.
10. Synopsis du scénario raconté par Sylvestre Joly, cf. entretien réalisé par le Pôle International de la Marionnette, Figanières, 25 mars 2017.
11. Distribution originale de Tragédie de papier, qui m’a été confirmée oralement par Sylvestre Joly.