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Parcours croisé franco-québécois : Des coproductions, des co-créations de part et d'autre de l'Atlantique : retours d'expériences ; Petits pains oubliés, Expédition Québec, 2012 - CréatureS Compagnie (France) et Sages Fous (Québec)
Ce parcours a été conçu en collaboration avec l’Association Québécoise des Marionnettistes (AQM) dans le cadre du projet franco-québécois « découvrabilité en ligne des contenus culturels francophones » du ministère de la Culture (Direction générale des médias et des industries culturelles).
Textes et entretiens : Michelle Chanonat (AQM) pour les compagnies québécoises ; Evelyne Lecucq (Pôle International de la Marionnette) pour les compagnies françaises.
Parcours croisé franco-québécois : Des coproductions, des co-créations de part et d'autre de l'Atlantique : retours d'expériences ; Petits pains oubliés, Expédition Québec, 2012 - CréatureS Compagnie (France) et Sages Fous (Québec)
Ce parcours a été conçu en collaboration avec l’Association Québécoise des Marionnettistes (AQM) dans le cadre du projet franco-québécois « découvrabilité en ligne des contenus culturels francophones » du ministère de la Culture (Direction générale des médias et des industries culturelles).
Textes et entretiens : Michelle Chanonat (AQM) pour les compagnies québécoises ; Evelyne Lecucq (Pôle International de la Marionnette) pour les compagnies françaises.
Sagesse de fou, folie d'usage : Entretien avec South Miller des Sages Fous, mené par Michelle Chanonat
Les Sages Fous n’est pas une compagnie de théâtre comme les autres. Ses trois cofondateurs, Jacob Brindamour, Sylvain Longpré et South Miller, sont animés d’un esprit unique et pétillant, qui les fait se lancer dans des projets singuliers, où prime toujours le plaisir de faire des choses ensemble, d’être ensemble. Ils n’ont pas attendu l’ouverture de leur Fabrique de théâtre insolite, en 2024, pour accueillir de nombreux artistes venus d’Europe, des États-Unis, du Québec et du Canada. Chez eux, la porte, comme leur coeur, est toujours ouverte.
Recréer un spectacle
Chez les Sages Fous, les choses se font simplement : « L’idée d’une coproduction avec CréatureS Compagnie est née à la suite d’une rencontre avec Hubert Jégat, pendant une tournée. On s’est bien entendus et on avait envie de se revoir », dit South Miller, la directrice artistique. En 2011, Hubert Jégat est invité à présenter Petits pains oubliés lors de la Saison de théâtre insolite à Trois-Rivières. Mais son décor, fait d’objets trouvés, est trop lourd et ne peut pas faire le déplacement. Les Sages Fous lui proposent donc de venir quelques semaines plus tôt, de faire le tour des brocantes et des poubelles pour construire un autre décor.
« On a compris qu’on était devant quelque chose de nouveau, reprend South. On a donc officialisé la coproduction et Hubert est revenu l’année suivante pour fignoler la version québécoise de son spectacle. Petits pains oubliés, c’est faussement scientifique, avec de vrais-faux archéologues qui parlent de fouilles et d’histoire. Nous avons ancré ça sur les berges du Saint-Laurent, Hubert a déniché des anecdotes locales. »
Il s’agit donc d’une recréation d’un spectacle existant, ou du recyclage d’une idée de spectacle. La version québécoise ne ressemble pas à la version française, ni dans ses histoires ni dans ses objets. Hubert Jégat est un familier de l’exercice, il a depuis répété l’expérience en créant une version brésilienne et une autre israélienne de son spectacle, qui ont toutes deux des découvertes archéologiques et des décors différents.
Fous et CréatureS Compagnie © Hubert Jégat
Les Sages Fous ont offert un lieu pour construire, un camion pour transporter les trouvailles, une contribution plus financière qu’artistique, CréatureS Compagnie restant maître de cette création. Deux comédiens québécois, Antoine Laprise et Myriame Larose, participent au spectacle et la version québécoise voyage jusqu’au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, en 2015. Par la suite, Petits pains oubliés a été présenté deux années consécutives à Trois-Rivières, avant de faire la tournée des festivals québécois : le Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, Marionnettes plein la rue et Casteliers à Montréal, Masq’alors à St-Camille. La réaction du public a été très enthousiaste : « Un spectacle pour 15 personnes, ce n’est pas dans les habitudes québécoises, précise South. Petits pains oubliés connaît une très belle diffusion. Durant les travaux [pour la Fabrique de théâtre insolite], il s’est promené avec notre nom. C’est une façon pour nous de montrer qu’on peut faire une autre sorte de théâtre, dans des lieux non conventionnels, avec un rapport au spectateur très intime. Il défend notre vision du spectacle. »
Cette coproduction s’est faite dans la joie et la bonne humeur, « de façon organique » selon South Miller, une collaboration basée sur une solide amitié, une connivence et une certaine consanguinité : « la démarche d’Hubert ressemble à la nôtre, il organise lui aussi un festival en région, Kikloche, qui présente des petites formes dans des villages de la campagne sarthoise. On apprend avec lui, et lui avec nous. »
Les tournées au Québec sont organisées par CréatureS Compagnie, les Sages Fous prêtent leur camion et apportent une aide logistique, mais c’est Hubert Jégat qui reste le pilote et maître de ses négociations avec les diffuseurs. Encore là, c’est un échange de bons procédés, dans le respect de l’autonomie et de l’indépendance de chacun des protagonistes.
Fous © Photographie : Marianne Duval
Changement de décor
Autre expérience de coproduction, avec le Nordland Visual Theater, en Norvège : en 2017, les Sages Fous s’installent pour deux mois à Stamsund, dans les îles Lofoten, pour fignoler la dernière étape de création de Tricyckle, un spectacle sans paroles, fait avec des objets récupérés, des matériaux recyclés et des marionnettes inspirées de l’art brut. Cette résidence avait lieu dans le cadre d’une coproduction financière avec le Nordland Visual Theater, théâtre basé dans une petite ville de 1000 habitants située au-delà du cercle polaire, dont la mission est de promouvoir le théâtre visuel par des coproductions internationales et de proposer des activités culturelles. Les moyens techniques et financiers du théâtre sont importants, et les coproductions prestigieuses : Duda Païva, Yaël Rasooly… À la fin de la résidence de création, les Sages Fous ont présenté la première du spectacle au Stamsund Teaterfestival et donné quelques représentations de Tricyckle dans des festivals norvégiens. Mais le spectacle n’était pas tout à fait prêt et les problèmes techniques ont terni le souvenir : « À un moment, pour nous, dit South, c’était compliqué de garder l’esprit d’invention chaotique de la compagnie, de rester bricoleur et bidouilleur. Avec plus de moyens, nous avons été tentés d’aller vers des technologies qu’on ne maîtrisait pas alors qu’on est mieux avec nos vieilles pédales de machine à coudre ! ».
Moralité de l’histoire : pour une coproduction réussie, s’assurer que chacune des parties reste en phase avec ses besoins, ses désirs et sa philosophie !
Entretien avec Hubert Jégat de CréatureS Compagnie, mené par Evelyne Lecucq en février 2024
Evelyne Lecucq : Comment est venue l’idée de faire une coproduction ou une co-création franco-québécoise entre votre compagnie et la compagnie des Sages Fous ?
Hubert Jégat : En 2012, Les Sages Fous organisaient la Saison de théâtre insolite à Trois-Rivières [au Canada] sur les bords du Saint-Laurent. C’est dans ce cadre-là que nous nous sommes revus et que l’idée de travailler ensemble a émergé.
Nous nous sommes rencontrés sept ans auparavant dans un festival en France alors qu’ils étaient en tournée. C’était à Orléans, au festival du Parc Pasteur où il y avait la Tortue Magique à l’époque. Nous avons passé un super moment ensemble et nous nous sommes liés d’amitié. En 2012, ils me disent : « Viens jouer chez nous le spectacle que tu jouais au Parc Pasteur » [ndlr : Le spectacle Petit pains oubliés]”. C’était un spectacle avec un chapiteau et des centaines de petits pains dans des boîtes en bois… Donc autant dire que l’option cargo était la seule qui nous était possible pour déplacer les décors, et finalement avec les budgets que ça impliquait…. on s’est dit : « Bah non ! ».
A gauche, photographie légendée "Petits Pains Oubliés au Québec lors du
festival de Théâtre Insolite organisé par Les Sages Fous à Trois Rivières", publiée
le 4 juin 2012. A droite, photographie non légendée, publiée le 4 juin 2012.
Mais ils avaient vraiment envie qu’on joue ce spectacle à Trois-Rivières. Donc je leur ai dit : « Je vais venir reconstruire le décor sur place chez vous. On va faire du pain ensemble, et on va trouver des vieilles caisses en bois…Et puis on va bien réussir à monter quelque chose » [rires]. L’idée était de réaliser véritablement une nouvelle création à partir du concept initial.
Donc ils ont fabriqué une yourte sur place. Nous avons re-créé le spectacle en seulement trois jours…sur un rythme de fou qui a également participé à nouer notre relation. J’ai joué plusieurs fois pendant deux jours, et puis j’ai dû reprendre l’avion pour rentrer en France. A la fin, on s’est dit avec les Sages Fous : « Autant d’énergie, de travail, ça ne peut pas rester sans suite ! ».
A gauche : ici, à droite : ici.
A droite, publiée le 9 juillet 2013.
Après plusieurs mois, ils m’ont rappelé pour me dire « Reviens ! Ce qui serait chouette, ça serait de refaire le spectacle, mais cette fois avec une équipe québécoise ».
EL : La première fois que vous avez joué Petits pains oubliés là-bas, est-ce que vous étiez seul ou à deux comme auparavant ?
HJ : Je jouais seul. Dans le même temps, je faisais les transmissions à Jacob Brindamour des Sages Fous qui réalisait les visites avec moi en tant qu’assistant. Il est ensuite devenu président d’honneur de l’Association pour la promotion de l'œuvre de Pablo Cana au Québec (APOPCQ).
Voir le bulletin des Amis de Pablo Cana du samedi 29 février 2020 sur les Petits Pains Oubliés.
C’est un concept qu’on a établi également ailleurs dans d’autres pays, notamment au Brésil et en Israël, dans un principe d’expédition. La première de cette série est née au Québec.
A gauche, photographie non légendée, postée le 6 septembre 2014. A droite, photographie non légendée, postée le 31 août 2014
On était dans une logique de co-création et coproduction, car j’ai amené l’idée, et formé les guides sur place. Il y a donc une première fournée exceptionnelle en la personne de Myriame Larose et d’Antoine Laprise ! On a passé deux semaines ensemble à faire du pain et des répétitions.
CréatureS Compagnie, non légendée, publiée le 5 juillet 2013
Je les ai suivis ensuite pendant la première tournée du spectacle Petit pains oubliés : expédition Québec, notamment au festival d’été de Québec. L’année d'après, ils ont rejoué le spectacle sans que j’y sois. Et par la suite, ils l’ont exploité deux ou trois saisons.
EL : Le titre a donc légèrement changé.
HJ : Oui, cela s’appelle Petits pains oubliés - expédition Québec. On a imaginé que Pablo Cana a traversé l’Atlantique et a réalisé des recherches archéologiques sur les berges du Saint-Laurent. Le contenu du spectacle a également été réécrit à l’aune de découvertes faites sur le territoire québécois. Le fait de créer au Québec a eu un impact fort sur la création, elle est devenue malléable comme de la pâte à pain !
En plus, on était en 2012 et c'était le grand mouvement du printemps érable. Donc on a une figure dans l'exposition québécoise qui est un petit révolutionnaire avec un carré rouge sur le cœur… A l’époque, tout le monde arborait un petit carré rouge sur son vêtement pour manifester, c'était la gronde étudiante (1) de 2012.
EL : En quoi consiste ce que vous appelez coproduction ?
HJ : C’est la compagnie Les Sages Fous qui a investi financièrement dans les décors… même si en soi, il y a beaucoup de récupération, de la farine et du sel. Le choix du partenaire s’est fait avant tout sur une sensibilité artistique. On s’est parlé d’artiste à artiste et non d’artiste à un lieu, ce qui aurait certainement donné une production sans âme. On aurait fait de notre spectacle un produit, alors que là il y avait avant tout la volonté d’être dans un échange culturel.
Je suis reparti au Québec pour remonter le spectacle et former de nouveaux guides. Il y a eu ensuite une tournée entre 2022 et 2023 au Québec. Le spectacle existe encore après dix années !
EL : Pourquoi fallait-il remonter ce spectacle ?
HJ : Il avait tout de même été stocké pendant sept ans sans sortir. Je me suis dit : « OK pour le reprendre …mais il faut lui donner un petit coup de jeune. » Cela a nécessité une semaine de re-création scénographique et de formation des nouveaux guides. Il y a vraiment des liens qui se sont tissés entre nous. Il y a au moins quatre comédiens au Québec que j’ai formés et qui sont capables de faire le guide sans moi.
EL : Est-ce qu’ils font tous partie de la compagnie des Sages Fous ?
HJ : Il y a Lucile Prosper de la compagnie Aluma qui est au Québec. Je l’ai formée en France et elle a la possibilité de jouer pour la compagnie Les Sages Fous.
EL : Les représentations sont données au nom des Sages Fous ?
HJ : Alors elles le sont quand ça nous arrange, on va dire… Dans la diffusion, il y a un certain repli au Québec sur les créations québécoises. Il est plus intéressant pour eux de diffuser des compagnies nationales que de se tourner vers l’international. Il y a des endroits à Montréal où on ne pourra pas jouer si on annonce que l’on est une production internationale. Il vaut mieux dans ce cas dire que le spectacle est celui des Sages Fous.
CréatureS Compagnie, non légendée, publiée le 4 juillet 2013
EL : Quelles sont les différences entre les publics ?
HJ : Il y a une vraie différence. La culture canadienne a un impact sur la création que l’on a réalisée. Je trouverais étrange d’aller raconter des histoires dans un langage qui n’est pas adapté. L’idée est toujours de traduire et de se mettre au diapason.
On l’a vu lors de la première tournée. Mon personnage de guide est un clown un peu trash et rentre-dedans. Ça passe parce que je suis Français : « donc je me la pète et je suis intelligent quoi ». Un Québécois ne pourra pas prendre mon personnage. On a tenté, mais ça ne fonctionne pas.
Ce n’est pas politiquement correct ce que je dis, mais cela rejoint de nombreux échanges que j’ai eu avec des artistes. Au Québec, il y a un complexe par rapport à la culture.
Nos personnages sont à l’épreuve du public. Quand on joue, on est au cœur de l’arène. Quand on fait des visites, on est face à face, très proche des gens. On s’est aperçus que les artistes québécois ne devaient pas prendre le public frontalement, de manière “prétentieuse”. Ils jouent des personnages un peu naïfs. Ils ne peuvent pas s’appuyer sur le côté intello du personnage de guide faisant une visite archéologique. C’est une vraie différence culturelle.
CréatureS Compagnie, non légendée, publiée le 5 juillet 2013
EL : Comment réintroduire l’humour si le personnage n’est pas dans la provocation ?
HJ : Les personnages de Petits pains oubliés : expédition Québec sont plus maladroits. On va chercher dans l’énervement et la gaucherie. Le public doit pouvoir se moquer du guide. Moi, j’ai le droit de me moquer du spectateur car je suis un Français. Nous [les Français] sommes considérés comme des gens qui critiquent beaucoup et se moquent des autres.
Une autre différence culturelle : les standing ovations. Je ne les ai vues que là-bas. Tout le monde se lève à la fin du spectacle, et applaudit à tout rompre, même si les trois-quarts de la salle ont dormi devant le spectacle [rires]. En France, on est plus sincère. Si tu as une standing ovation, c’est vraiment que le spectacle a soulevé les foules.
EL : Quels sont les avantages d’une telle coproduction ?
HJ : Quand je vais jouer là-bas, il est beaucoup plus simple que ça soit la compagnie des Sages Fous qui porte le projet administrativement et juridiquement.
EL : Ce n’est pas, au contraire, une difficulté ?
HJ : Pas forcément, car tu peux très bien payer quelqu’un pour faire ce travail administratif. Plus largement, on peut dire que ce n’est pas forcément intéressant économiquement pour des Français de tourner au Québec. C’est plus intéressant de leur côté de venir jouer chez nous. Les spectacles sont achetés moins cher au Québec qu’en France.
Facebook de CréatureS Compagnie, non
légendée, publiée le 5 juillet 2013
EL : Et pour le paiement des voyages ?
HJ : Nous en tenons toujours compte dans le montage financier du projet : il y a les billets aller-retour, les repas, les déplacements sur place… Tout ça est pris en charge. Lorsqu’on va au Québec, on a tout de même une marge de souplesse que les Québécois n’ont pas lorsqu’ils viennent tourner en France. Eux, doivent être payés chaque jour de leur tournée. Nous, avec l'intermittence, nous pouvons ne pas travailler certains jours. Cela change la donne, les Québécois sont dans une autre économie.
EL : Vous m’avez dit que vous alliez retourner au Québec. Vous poursuivez cette coproduction ?
HJ : Ce n’est pas la même chose à présent. Il y a plusieurs spectacles de CréatureS compagnie qui font des tournées là-bas sans coproduction. Par exemple Les Visiteurs.
J’y vais uniquement avec des spectacles qui sont très légers. C’est une vraie particularité.
Les Sages Fous ont stocké des décors en France qui leur permettent de tourner ici. Pour Petits Pains oubliés, on a donc recréé le décor sur place. Quelque part on
leur a donné ces décors. Si cela avait continué à m’appartenir, j’aurais probablement dû louer un espace pour les entreposer, ou ils seraient partis à la poubelle par la suite…
EL : Vous n’avez donc rien contre le fait de refaire une coproduction dans d’autres circonstances ?
HJ : C’est le propos du spectacle qui nécessite une coproduction. Il faut que ça soit une aventure avec du partage. On ne fait pas de grandes productions, on ne va pas simplement exporter ailleurs un spectacle qui marche bien en France. Il faut que cela fasse sens dans le propos même du spectacle pour le partager avec une autre culture… Sinon, on fait simplement tourner son spectacle dans un autre pays, mais ce n’est pas une coproduction.
archéologique de biscuits anthropomorphiques « Petits Pains Oubliés » a sillonné l’Hexagone. En partenariat
avec Les Sages Fous, de nouvelles fouilles ont été effectuées en territoire québécois. Une étonnante civilisation qui aurait avant même les vikings, traversé l’Atlantique à bord d’embarcations confectionnées en pâte feuilletée a été découverte. Tout un système de troc se serait aussi développé autour du biscuit sec dont les nations de la vallée du Saint Laurent étaient paraît-il particulièrement friands. Ces découvertes fondamentales pour l’histoire seront présentées pour la première fois en Amérique avec une équipe de guides assermentés franco-québécois dès le mois de Juillet 2013. », publiée le 12 juin 2013
EL : Quels conseils pourriez-vous donner pour mettre en place une coproduction franco-québécoise ?
HJ : Il y a une différence intéressante : les Québécois sont assez clairs sur l’argent. Il y a des moments où l’on parle artistique et des moments où l’on parle argent. C’est assez cash à ce niveau-là. Nous, on a tendance à dire : “On va y arriver, c’est pas grave, on va donner de nous-même”. Même si eux aussi - bien entendu - vont donner d’eux même ! Mais ils parlent de combien ça coûte et de combien on va être payé. Une fois qu’on en a parlé, on passe à autre chose. On fait les comptes à la fin.
EL : J’ai entendu plusieurs fois cette remarque.
HJ : J’ai trouvé ça très bien. Maintenant moi aussi je suis plus direct pour parler argent. Je peux être amené à dire à quelqu’un : « Là, je n’ai que ça comme enveloppe. On ne va pas tourner autour du pot pendant cent-sept ans. Tu vas croire des choses alors qu’on n’a pas l’argent. Donc soit on fait, soit on fait pas ».
Par contre, le truc de « on fait tourner le projet au Québec sans mettre en avant le fait que ça vient d’une compagnie française », ça m'embête.
Un conseil que je pourrais donner : éviter d’avoir un spectacle où il y a beaucoup de texte. Sinon, on ne peut tourner qu’au Québec, et pas dans le pays immense qu’est le Canada. Autant faire des spectacles sans texte. Le Québec est un îlot de francophonie, mais ça reste un endroit où l’anglais est beaucoup pratiqué.
EL : Dans votre travail, le discours tient une place énorme. Est-ce que la compréhension est la même au Québec ?
HJ : Il n’y a qu’un interprète français, les autres sont Québécois. Ils ont leurs langues, leurs expressions. Ce n’est pas le même texte selon le guide. La langue et les expressions du Québec sont délicates à utiliser lorsque ce n’est pas sa langue maternelle.
EL : Et les conditions de tournée ?
HJ : Les sessions sont moins importantes là-bas, sinon c’est assez équitable.
Il y a quand même de réelles différences… Au Québec, tu négocies tout. Dans le festival de théâtre de rue de Shawinigan, il y a un catering qui est juste le minimum syndical. On est dans un gymnase avec des cloisons qui nous séparent… On se débrouille, on doit trouver notre hôtel nous-même, notre nourriture… On est là pour faire le show et le reste n’est pas leur préoccupation.
Dans les festivals, on n’est pas accueilli comme en France. Il n’y a pas le souci du bien-être de l’artiste. Souvent il y a beaucoup de débrouille, c’est en mode survie. Il y a moins de convivialité. C’est un peu plus dur.
Autrement, on a reçu une bourse de l’AVIAMA pour retourner au Québec. La collaboration continue avec les Québécois, les Brésiliens et les Israéliens. Toutes les années bissextiles, nous éditons un journal de Pablo Cana.