Historique et matière littéraire

Il est difficile d’établir où a commencé exactement l’opera dei pupi. Certains spécialistes estiment que le genre remonte aux marionnettistes grecs du temps de Socrate et de Xénophon, car à l’époque les marionnettes à tringle étaient connues à Syracuse… Les particularités des marionnettes siciliennes si l’on se borne à la thématique chevaleresque et aux caractéristiques mécaniques typiques des pupi, semblent apparaître seulement au début du XIXe siècle, dans le Sud de l’Italie et en Sicile.

Les sources lointaines de l’opera dei pupi sont les poèmes épiques du Moyen Âge français, c’est-à-dire les chansons de geste, et les cycles chevaleresques liés au roi Arthur. Ces poèmes, à l’origine transmis oralement, racontent l’histoire des croisades et des guerres chrétiennes menées par l’empereur Charlemagne contre les Sarrasins, ou les rebellions des barons contre leur suzerain. Ils fournirent une abondante matière littéraire jusqu’à la Renaissance, citons surtout L’Orlando innamorato (Roland amoureux laissé inachevé en 1494) de Matteo Maria Boiardo et L’Orlando furioso (Roland furieux, 1516) de l’Arioste (Ludovico Ariosto). Toutes les histoires de ces longues séries n’ont pas connu le même succès, celles qui concernent Charlemagne, Roland et Renaud furent les mieux accueillies : présentées par épisodes chaque soir, elles pourraient durer une année entière.

Au début des années 1950, la télévision et le cinéma bon marché commencèrent à concurrencer les théâtres de marionnettes. L’Associazione per la conservazione delle tradizioni popolari (Association pour la conservation des traditions populaires) a su préserver non seulement les objets mais aussi les techniques : comment construire les marionnettes, comment les manier et ainsi de suite. Ce qu’il ne fut pas possible de préserver, ce furent les longues séries d’épisodes et le public. Les marionnettistes inventèrent alors des histoires pour une seule soirée, les empruntant toujours aux épisodes les plus appréciés, presque toujours la mort du héros ou celle d’un ennemi odieux.

Les marionnettes

Dans le jargon théâtral, les outils du métier s’appellent mestiere et se transmettent de père en fils, à ceci près qu’un fils ne prête sa voix aux pupi que lorsqu’il possède un théâtre à lui. Il lui faut « subtiliser » l’art de son père de façon à être prêt au moment voulu.

La moitié environ est constituée de soldats en armes, revêtant une armure, les autres, les rois, les dames et demoiselles, les prélats, les civils, étant habillés d’étoffes. L’armure de laiton, de cuivre ou de nickel, est décorée avec d’autres métaux.  Il existe beaucoup de marionnettes non humaines, telles les chevaux, les lions, les chiens, les cerfs, les grands oiseaux, les ânes, les taureaux, mais aussi des créatures surnaturelles comme les centaures, sirènes, serpents, dragons, démons et anges.

Les pupi sont mus par deux épaisses tiges de fer, l’une pour la tête et l’autre pour le bras droit, ainsi que par des fils auxiliaires, pour le bras gauche notamment. Ils sont en bois et sont formés d’une tête et d’un tronc auquel sont attachés les bras et les jambes. Les jambes sont articulées et se meuvent, librement en avant, beaucoup moins en arrière. Les bras, articulés au niveau des mains et des avant-bras, sont joints à l’épaule par des matériaux rembourrés leur permettant de se mouvoir dans tous les sens.

Les pupi de Palerme et de Catane ont des caractéristiques mécaniques similaires mais se distinguent à plusieurs points de vue.

Les pupi de Palerme mesurent de 80 centimètres à 1 mètre et pèsent environ 8 kilos. Ils ont des genoux articulés ; un fil attaché à la tige de leur bras droit va de leur poing à la garde de leur épée et leur permet de dégainer celle-ci puis de la remettre au fourreau.

Les pupi de Catane mesurent jusqu’à 1,40 mètre et pèsent 16 kilos ou plus. Ils ont les genoux rigides et, s’il s’agit de guerriers, leur épée est presque toujours dégainée. Leurs genoux rigides leur permettent de faire reposer tout leur poids au sol entre un pas et l’autre.

Les pupi de Palerme sont manœuvrés depuis les coulisses, d’où l’on tend les bras. À Catane, on les manœuvre d’en haut, à partir d’une plate-forme située à l’arrière du décor.

En 2001, l’UNESCO a proclamé l’opera dei pupi chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité.

Synthèse rédigée par Louisa Djenane à partir de l'article "Pupi" d'Antonio Pasqualino et Janne Vibaek Pasqualino.

Découvrir cet article dans son entièreté dans L'Encyclopédie mondiale de la marionnette, UNIMA-L'Entretemps, 2009, p.569-572. A voir aussi en ligne.